Des ours qui s’urinent sur la tête. Contribution à une esthétique de la bêtise. Art contemporain, Âge bête, American Pie

Abstract

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Paru dans : Proteus n°21
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Partant de l’analyse d’une œuvre de l’artiste californien Richard Jackson (Pump Pee Doo, 2005), cet article interroge l’usage de la notion de bêtise comme catégorie esthétique. Il montre comment plusieurs catégories connexes, les réflexions de Mikhaïl Bakhtine sur le grotesque et le carnavalesque, qui commente Rabelais, ainsi que le bathos théorisé et mis en pratique par le poète et satiriste anglais Alexander Pope au xviiie siècle, offrent des outils d’analyse formels mais risquent de conférer aux œuvres ainsi analysées des caractéristiques arbitrairement transposées à travers les époques et les cultures.
Du carnavalesque à la bêtise, cet article propose une réflexion sur la mutabilité de catégories esthétiques et plaide, en bout de course, pour un usage de catégories développées en synchronie avec les œuvres – ici celle d’âge bête, initialement énoncée comme une catégorie clinique dans les années 1990, qui offre un cadre d’analyse ancré dans l’époque pour comprendre les productions culturelles des années 1990 et 2000 : les tropes de la régression infantile et de l’immaturité adolescente s’imposent dans l’ensemble du champ de la culture comme corollaire des inquiétudes pour l’avenir qui accompagnent le néolibéralisme économique.

Mots-clés : Carnavalesque — Bathos — Bêtise — Âge bête — Art contemporain

 

Starting with an analysis of a work by Californian artist Richard Jackson (Pump Pee Doo, 2005), this paper questions the use of the notion of stupidity/dumbness/sillyness as an aesthetic category. It shows how several related categories - Mikhail Bakhtin’s reflections on the grotesque, themselves commenting on the Rabelaisian carnivalesque, or the bathos theorized and put into practice by the 18th-century English poet and satirist Alexander Pope - offer useful tools for formal analysis, but run the risk of conferring on the works thus analyzed characteristics that are arbitrarily transposed across eras and cultures.
From the carnivalesque to the silly, this article reflects on the mutability of aesthetic categories, and argues for the use of categories developed in synchrony with the artworks - in this case, the “silly age”, initially developed as a clinical category in the 1990s, offering an analytical framework anchored in the era for understanding the cultural productions of the 1990s and 2000s : the tropes of infantile regression and adolescent immaturity are taking over the entire field of culture as a corollary to the angst about the future that accompany economic neoliberalism.

Keywords: Carnivalesque — Bathos — Stupidity — Dumbness — Silly age — Contemporary art

Morgan LABAR
Directeur de publication : Bruno Trentini | Parution 2 fois par an | ISSN 2110-557X | © PROTEUS, 2024 | F